Yahia Yaïch-Amnesia : Texte et mise en scéne : Jalila Baccar , Fadhel Jaïbi
- Teycir Arjoun
- 18 juin 2020
- 3 min de lecture
Aprés "Jounoun" et "Khamsoun", le duo Fadhel Jaibi et Jalila Baccar revient avec Yahia Yaich-Amnesia , d'après une production de la troupe "Familia" . La pièce a été écrite en 2010. En imaginant la chute et le procès d’un tyran, elle prend une nouvelle force après le départ de Ben Ali. Une aventure au niveau de la dramaturgie s'inscrit dans le genre du théâtre politique .

Toujours avec la même audace et pertinence, Familia réussit à mettre à nu les oubliettes de la politique à travers le personnage de Yahia Yaich, ex homme au pouvoir, trahit par son propre docteur Skolli et mis en résidence surveillée, sans explication parce qui'Il est hospitalisé pour confusion mentale . Confiés aux bons soins des psychiatres, il est invité à s’expliquer sur les mobiles de l'accident.
Une volonté d'explorer une nouvelle piste de création qui consiste à impliquer le spectateur directement dans l'acte théâtral et cela se manifeste quand la pantomime s’achève. Une rangée de fauteuil de jardin blanc est mis à vue et derrière chaque fauteuil un acteur. Or, il y a un fauteuil vide et les comédiens se faufilent entre les bancs du publics avant de monter sur scéne , ils passent plus de 15minutes à regarder le public en face et sous les projecteurs de la salle : " Un changement de rôle entre le comédien et le spectateur " Disait Fadhel Jaibi à Tuniscope

Fonctionnant à une sorte d'esthétique aux scènes découpées, inspiré de la technique du montage au cinéma, Amnesia est un théâtre politique où les scènes de lavage de cerveau et la figure du procès par des « blouses blanches » sont récurrentes à la dynamique de jeu. Sur le mode du burlesque, souvent presque chorégraphié à l’excès, le propos est souligné, grossi, épaissi, amusant, avec un groupe qui déploie pour feindre toutes les situations, graves ou drôles, jouée par une pléiade d'acteurs dont Jalila Baccar, Fatma Ben Saadane, Ramzi Azeiz et Sabah Bouzouita ..
Ainsi la pièce tache de peindre le portait d'un homme de politique au bout de la ruine. En dénonçant la corruption du pouvoir et les clans de voyous qui font main basse sur le pays et dans lesquels l’on ne peut que voir la rapacité criminelle de la belle-famille et des gendres de Ben Ali et l’absence de liberté de la presse (rappelons que "Reporters sans frontières" a classé la Tunisie parmi les nations où la situation de la presse est la plus noire au monde .
Voila un extrait du pièce :
Amnésia est une pièce thèse avec un propos ambigüe, ambivalent. Il nous faut déchiffrer ce travail au regard des conditions dans lesquels il a été créé , en 2010, époque dominée par les abus de pouvoir, la violence policière, la délation, la surveillance étroite exercée sur les habitants… Toutes choses impensables à formuler ouvertement dans la vie courante dressées par le génie de Fadhel Jaibi et de Jalila Baccar pour qui le théâtre est un acte politique dans toutes ses dimensions, ses genres et ses finalités .
Et depuis la révolution tunisienne, la pièce a entamé une tournée en France où les gens regardaient Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi comme des extra-terrestres pour oser dire tout haut ce que chacun pensait tout bas, ou mieux, s’ingéniaient sans doute à ne même plus oser penser.
les sources :
Comments