Mé Nmoutech ( Mille feuilles) :
- Teycir Arjoun
- 21 juin 2020
- 3 min de lecture
Un film de comédie dramatique coécrit et réalisé en 2012 par le réalisateur tunisien Nouri Bouzid qui dure 1h30m. Il s’agit d’une co-production avec la France et les Émirats arabes unis et du grand gagnant de la deuxième édition du festival du cinéma africain de Louksor en Egypte .

Mé Nmoutech , est un film qui offre un retour sur la révolution tunisienne de 2011 à travers les yeux de deux jeunes femmes, Zaïnab (Nour Mziou) et Aïcha (Souhir Ben Amara). Très opposées l’une de l’autre, elles représentent les deux extrémités d’un pays à la fois en recherche de modernité à la sauce occidentale et profondément enraciné dans ses traditions musulmanes. Les deux sont fières de participer aux manifestations et de travailler pour être indépendantes financièrement de leur famille et des hommes qui les entourent. Mais c’est le port du voile qui fait la différence entre ces deux jeunes femmes, l’une l’acceptant comme protection contre les regards masculins et l’autre le considérant comme un objet de laideur et de honte.
En arrière-plan des problèmes personnels des personnages se trouve la révolution, qui montre la difficulté qu’ont les femmes à s’imposer, que ce soit dans la vie privée ou dans la vie publique, et la complexité de la société tunisienne en général. Une complexité que le film a réussi à dépeindre à travers une panoplie de personnages vrais et sans artifice. Le frère de Zaineb, libéré par la révolution, ressort totalement islamisé de prison. Ses idées sont radicales, il en a après tout le monde : contre sa sœur qui n’est pas voilée, contre son père qui boit du vin. Vient s’ajouter le petit ami de Zaineb qui exige, pour se marier, qu’elle quitte son travail « impur » et qu’elle se décide à porter le voile… Zaineb refuse, mais n’aura pas le choix : sa mère cède, son père est impuissant, dépassé, en désaccord total avec le radicalisme adopté par sa femme. Les scènes qui se succèdent sont glaçantes. Parallèlement, Aïcha se fait harceler par son patron qui veut à tout prix qu’elle enlève le voile, pour laisser « éclater sa beauté ».

« Millefeuille » fait exploser à travers l’histoire un cri de détresse porté par des femmes en quête de liberté, Toutes deux luttent contre les carcans religieux et culturels établis par une société archaïque. Une société qui considère encore le sexe et l’homosexualité comme un sujet tabou. " C’est à travers les petites révolutions personnelles des deux filles qui vont conquérir dans la violence quotidienne leurs libertés individuelles, et leur nouveau statut que j’ai trouvé l’issue." affirme le réalisateur.
C’est l’histoire de tout un pays que raconte Nouri Bouzid au travers du destin de deux jeunes filles, Zaineb et Aïcha, symboles de la Révolution et de l’avenir de la Tunisie. Par leurs images et leurs révoltes il essaye de montrer la complexité et la fragilité de la condition féminine dans un pays en quête d'identité.
Et Même si l'intrigue est confuse, Millefeuille offre de belles séquences sur des faits réels pendant la révolution comme le procès d’Amina, cette jeune Femen qui a décidé de montrer ses seins dans la cité la plus religieuse de la Tunisie et les salafistes qui d'après le films proposent l’enfer et propagent l’amour et la joie de la mort. Avec des dialogues bien sentis entre les personnages portés par l’énergie de jeunes comédiennes qui emportent sur leur passage un message parfois trop didactique dans la forme, et qui engagent le combat contre la vision conservatrice que tentent de leur imposer leurs propres familles et leurs fiancés. "J’ai voulu parler de ce que la télévision n’a jamais montré, cette souffrance et cette résistance intérieure des femmes. La télévision n’a pas parlé de la question du hijeb dans ce sens là, la lutte de ces filles. Avec ma coscénariste, Joumène Limam, on a voulu entrer dans le monde intérieur de ces deux filles ." affirme le réalisateur.

Plaçant toujours la caméra au plus près des personnages, dans des espaces souvent réduits, Nouri Bouzid resitue le conflit à hauteur d’hommes, évitant les considérations trop générales pour renforcer sa trame narrative. Navigant entre des séquences sérieuses et d’autres à la tonalité beaucoup plus légères, le film regorge de petites surprises et trouvailles. Néanmoins, malgré les qualités de cette œuvre engagée, certaines maladresses et redondances effacent légèrement notre plaisir. Quelques lourdeurs empêchent ainsi notre pleine satisfaction, mais le beau message universel de partage et de tolérance finit par emporter notre enthousiasme.
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