Fleur d’Alep : Le dernier film de Ridha El Behi
- Teycir Arjoun
- 18 juin 2020
- 4 min de lecture

Fleur d'Alep est Le film de Ridha ElBehi sorti en 2016. Il s’agit d’Un long-métrage qui raconte le drame d’une mère qui voit son fils unique se radicaliser, drame d’actualité vécu par de nombreuses familles tunisiennes depuis la révolution. Il relate ce processus délicat de l'Histoire d’un jeune lycéen "Mourad" qui partage son temps entre le lycée, sa copine et sa guitare : timide, il vit d’autant plus mal son retour au bled puisque il a vécu en France. Sa mére "Salma", âgée de 37 ans est ambulancière. Son travail l’accapare énormément et la met constamment en contact avec la dure réalité de la société tunisienne. "Hicham", son mari, un artiste-sculpteur de 55 ans dont le comportement agressif et la passivité ont convaincu Salma de le quitter . Tout va de mal en pis pour Mourad qui sèche les cours, quitte la maison et disparaît quelque temps chez sa tante, pour trouver ensuite refuge auprès de quelques salafistes qu’il fréquente souvent. Là commence une dérive sans fin. Des étapes de la radicalisation de Mourad : du lavage de cerveau aux camps d’entraînement, en passant par l’embrigadement via les livres et les réseaux sociaux, il s'imprègne petit à petit de la pensée jihadiste . Le tout sous le regard naïvement irresponsable de ses parents qui préfèrent y voir comme une crise d'adolescence passagère alors que Mourad est déja résolu à partir combattre aux côtés des djihadiste en Syrie ..Après quelques jours d’attente et de recherche, Salma reçoit un coup de fil de Mourad l’informant qu’il est parti en Syrie combattre aux côtés des djihadistes islamistes. À l’instar de nombreux parents qui n’admettent pas que leur enfant aille tuer ou se faire tuer au nom d’Allah, Salma réagit et la, les choses prennent une autre tournure.

L’histoire va basculer au moment où Salma décide de partir en Syrie à la recherche de son fils. Elle franchit la frontière syrienne via la Turquie et se fait passer pour une militante de la cause islamiste . Et c'est la que toutes l'Horreur commise au nom d'allah , nous est envoyée de manière crue : un quotidien sombre et sanglant qui fait de Salma une mère-courage, qui ne recule pas devant les hauts risques, au chevet des blessés, au milieu des concubines, ou derrière les fourneaux .En travers de ce portrait, c’est le contrechamp de l’endoctrinement et ses remous qu’il s’agit de capter. Sauf que la caméra de Ridha Behi se protège paradoxalement du traumatisme et de la violence qui empèse l’écran : à force de suinter par tous les pores du film, la vraisemblance narrative de l’histoire fait carrément suer. Les scènes du kidnapping et du viol de cette ambulancière promise à la mort par des guerriers de Daech et la caméra nous fait lire dans le viseur de Mourad, par le plan subjectif, la précision de sniper qui allait , à la fin ,tuer sa mère.

De la radicalisation , la violence et le lavage de cerveau, le réalisateur compte sur la prestation d’acteurs de talent tel que Hichem Rostom qui s’est distingué par une carrière internationale ou encore Mohamed Ali Ben Jomaa qui joue le rôle d’un intégriste autoritaire et haineux. Avec en tête d’affiche l’actrice Hend Sabri qui fait une interprétation juste qui déchire l'écran de sincérité .
Le film de Ridha ElBehi s'engage pour alerter à sa manière les parents pour qu'ils ouvrent grand les yeux à travers cette histoire de " Mourad " qui nous rappelle qu'il n’est pas nécessaire d'être délinquant , pauvre ou non éduqué pour s'enrôler dans les mouvances islamistes . Il remonte la sauce d’une tragédie familiale, entre la mère qui court dans tous les sens dans le combat quotidien de la vie et son fils qui n’était pas du tout extrémiste au départ, au contraire et comme beaucoup de nos jeunes, d'ailleurs devient l’une des victimes du terrorisme . Le réalisateur a employé des scènes qui peuvent être sujet à plusieurs interprétations qui interpellent le spectateur. Citons, dans ce contexte, l'exemple des terroristes qui manipulent et envoient les jeunes vers la mort, bien camouflés, et qui finiront par répondre à leurs actes dans une scène qui visent le corps nu de mannequins en plastique , comme pour symboliser toute la haine, l’agressivité mais aussi la peur dont peuvent témoigner les adeptes du salafisme envers la femme et plus exactement envers le corps féminin. Et pour accentuer encore plus la complexité de ce rapport, on montre dans une scène le même groupe de salafistes obligeant des vendeuses dans une boutique à couvrir des mannequins similaires.

Le cinéma engagé et indépendant sera toujours présent pour informer et montrer les vérités en traitant paradoxalement les phénomènes de d'actualités tels que le terrorisme , la divorce , la jeunesse perdue ..
Fleur d'Alep est considéré comme une manifestation prometteuse de l’expression cinématographique tunisienne nouvelle qui connait un essor depuis 2011 profitant d’une liberté qui n’était pas donnée . En 2017 le film a attribué le prix de la meilleure actrice à la Tunisienne Hend Sabry pour son interprétation et le cinéaste tunisien Ridha El Behi a remporté le prix du meilleur réalisateur au cours de la 33éme édition du festival méditerranéen d'Alexandrie (Égypte) qui s'était déroulé du 7 a 12 octobre 2017 .
les sources :
3: http://kapitalis.com/tunisie/2017/10/13/fleur-dalep-ridha-behi-recompense-au-festival-dalexandrie/
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