Le cinéma engagé dans la cause des femmes : loi, société et adultère
- Teycir Arjoun
- 11 mai 2020
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 juin 2020
Noura rêve est le premier film grand gagnant des journées cinématographiques de Carthage 2019 qui traite de l’adultère féminine aux yeux de la loi et de la société, réalisé par la scénariste Belgo-Tunisienne Hinde Boujemaa.
Scénario de Hinde Boujemaa, photographie de Martin Rit, montage de Julien Mizac, avec Hend Sabri , Lotfi Abdeli et Hakim Boumassaoudi . Durée 1h30.
Noura rêve est un film féministe qui défend la cause de la femme à travers une histoire basée sur des faits réels vécus par Sonia Hosni. L'héroïne, Noura, est une femme mariée issue d'un milieu populaire et d'une catégorie sociale très modeste. Mère de trois enfants, elle travaille dans la laverie d'un hôpital de Tunis. Elle est une femme forte et courageuse qui supporte seule le fardeau du quotidien et les charges de son foyer car son époux Jamel est en prison.
Malgré cette situation, Noura vit une histoire d'amour passionnée avec Lassed qui est mécanicien. C’est un homme séduisant, tendre et protecteur. Elle attend avec lui impatiemment que son divorce soit prononcé pour vivre son amour librement mais le destin de l'héroïne se complique quand Jamel est libéré plutôt que prévu et que son espoir s'évanouit. La figure centrale du film plonge alors dans une situation de désordre chaotique. En présentant cette femme tiraillée entre son époux possessif et irresponsable et son amant jaloux et égoïste, menacée par la loi qui punit sévèrement l'adultère, le film se positionne en faveur de l'émancipation des femmes arabes et traite d’un sujet assez délicat voire tabou en Tunisie. Hinde Boujemaa a présenté tout un environnement social en filmant des quartiers populaires vides et déserts et un environnement familial où les enfants ont très peu accès à la culture. Elle dénonce avec force les chaines morales, sexuelles et intellectuelles qui s'imposent aux Tunisiennes et aux femmes arabes en général . Elle révèle un regard accusateur envers l'héroïne souligné dans le film par "Madame tout le monde" et par une société qui réserve un jugement impitoyable envers la femme infidèle. Le tout dans le film est accentué par des dialogues crus et un langage de rue, ce qui donne une dimension encore plus réaliste au film .
Elle révèle un regard accusateur envers l'héroïne souligné dans le film par "Madame tout le monde" et par une société qui réserve un jugement impitoyable envers la femme infidèle. Le tout dans le film est accentué par des dialogues crus et un langage de rue, ce qui donne une dimension encore plus réaliste au film .
Noura rêve est un film qui s'engage pour dénoncer un état non seulement social mais égalementpolitique et légal à travers le code pénal Tunisien. On parle ici de l'article 236 qui condamne l'adultère féminin ou masculin de 5ans de prison et d'une amende de 500 dinars. Il ne s'agit pas de faire l'apologie de l'infidélité mais de critiquer cette incrustation de l'Etat et de l'appareil judicaire dans la vie privée des citoyens comme dans le triangle amoureux présenté dans ce film. Le choix esthétique du film pour traiter de l'histoire du personnage est celui du recours à l'obscurité de l'image qui transmet cette sensation de malaise et de tristesse qui sont mis en scène avec sobriété, réussissant ainsi à créer une vraie tension à l’écran. Cette œuvre cinématographique chercher à montrer l'expression de la profondeur émotionnelle des personnages. Aujourd'hui le cinéma engagé et même enragé correspond de plus en plus à l'attente du public qui au-delà du divertissement demande au cinéma une réflexion et un regard différent sur le monde. On évoque par ce film engagé par excellence une problématique que connaissent tous les pays arabes et les rapports entre la femme et la société.
Noura rêve est un drame d'une grande justesse qui montre certains aspects de la société Tunisienne avec finesse. L'actrice Hind Sabri sert la cause avec son immense talent qui lui a permis de s'adapter au rôle et de défendre cette femme tunisienne issue d'un quartier populaire excédée par la vie, mais qui continue tout de même de rêver d'un peu d'amour et de dignité dans une société patriarcale ou les femmes ont encore beaucoup de mal à prendre leur destin en main. Et pour son rôle elle a reçu le prix de la meilleure actrice de JCC en 2019.
Noura rêve est le premier long-métrage de fiction de la cinéaste Hende Boujemaa qui est sorti le 27 novembre 2019 dans les salles de cinéma. Il a fait partie de la compétition officielle de la 30éme édition des JCC où il a été récompensé du Tanit d'Or ainsi que du prix de la meilleure interprétation féminine attribuée à la star du cinéma arabe Hind Sabri qui marque avec ce film son grand retour dans le cinéma tunisien après Fleur d'Alep de Ridha El Behi en (2016).
Mais malgré le succès du film dans les festivals et les échos positifs autour de lui, on ne peut pas nier que le scénario présente certaines lacunes : une étude attentive des dialogues entre les personnages principaux, permet de soulever quelques incohérences dans le scénario. De même, les répliques sont un peu courtes et légères dans des moments où le public s’attend à ce que les sentiments de tristesse ou d'amour soient plus intensément exprimés.
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